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Mouloud Bouzidi (CBSP), de retour de la Flottille pour Gaza : « Nous sommes des humanitaires, pas des politiques »

Rédigé par Leïla Belghiti | Mardi 8 Juin 2010 à 00:38

À Lille, Mouloud Bouzidi, l'un des huit rescapés français de la Flotille pour Gaza victime du raid sanglant israélien, a été accueilli en héros dans sa ville. L'accueil chaleureux a été suivi par une conférence de presse « douteuse » aux yeux des militants associatifs.



Mouloud Bouzidi (au centre), rescapé de la Flottille et membre du CBSP, accueilli par une foule de sympathisants à son arrivée à la gare de Lille.
Plus d'une centaine de sympathisants étaient venus l'accueillir vendredi à sa descente du train, en sandales, un sachet à la main pour toute fortune, gare Lille-Flandres. Bouquets de fleurs à profusion, cris de joie et embrassades, caméras et micros qui se bousculent, Mouloud Bouzidi est le héros lillois, la fierté ch'ti.

Quelques mots échangés avec les journalistes pressés, puis départ en fanfare de la foule joyeuse vers l'étroit bureau du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP), où se tiendra la conférence de presse. Jamais le métro lillois n'avait acheminé en un seul trajet autant de keffieh, de drapeaux, de banderoles et d'écharpes aux couleurs de la Palestine.

Témoignage politiquement incorrect

Arrivé au bureau, devant quelques caméras et une dizaine de journalistes, Mouloud Bouzidi raconte ce qu'il a vu, vécu, à bord de la Flottille, à ses côtés divers représentants d'associations pro-palestiniennes.

«Le premier jour de notre détention, ils étaient plutôt sympathiques car il y avait la télé israélienne, ils se devaient d'honorer les droits de l'homme, on était nourris, douchés, etc., mais à partir du lendemain, on nous donnait à manger comme des animaux », témoigne Mouloud.

« Les interrogatoires ont ensuite duré des heures et c'était très stressant. On nous changeait de cellule régulièrement et on nous envoyait parfois des militaires, parfois des civils. Lorsqu'ils frappaient, ils frappaient sur tout le monde, sans se poser de questions. Les questions étaient étranges, comme s'ils voulaient établir que nous cherchions à immigrer clandestinement à Gaza ou en Israël. Pour un Français digne et libre, vivre dans ce pays-là, ce serait quand même un drôle de projet... ».

« Au moment de partir, à l'aéroport, ils ont mis par terre mon ami Paul, américain, un vieillard malade, ils l'ont frappé sur ses côtes, sur sa figure, sur ses jambes, ils l'ont frappé comme des fous. Là, j'ai pleuré. Des gamins qui frappaient un vieillard ! », s'insurge-t-il.

Au cours de l'interview, Mouloud rapporte la mésaventure de son camarade de bord qui se trouvait, lui, dans le navire turc : « Un soldat israélien a pointé son arme sur la tempe du bébé du capitaine, menaçant ce dernier de le tuer s'il ne quittait pas les commandes. » Un témoignage qui ne semble pas convenir aux oreilles de certains journalistes, qui n'hésitent pas alors à sortir de leur devoir d'objectivité pour afficher une attitude de dédain, rejetant à la face du conteur le témoignage pourtant initialement réclamé.

Mouloud compte déposer plainte contre Israël pour le « vol » de ses papiers et autres affaires personnelles.

Mourir martyr ?

Et les questions fusent, les unes après les autres, précises, banales souvent, surprenantes parfois, à en faire rougir la déontologie journalistique : « Aviez-vous l'intention de tomber martyr ? », questionne non sans sérieux une journaliste. « Y avait-il des armes à bord de votre navire ? », pose un autre journaliste. « Vous aviez sans doute une visée politique », objecte un autre.

Et l'humanitaire de rappeler une énième fois sa fonction dans la Flottille, la devise de son engagement : « Nous sommes des humanitaires, pas des politiques », tranche le rescapé. « Pose-t-on de telles questions aux humanitaires partis aider la population d'Haïti ? », interroge-t-il.

Puis de confier ses regrets, plus tard à ses amis : « Ces questions ne méritaient pas que j'y réponde. » Des questions qui ont fait sortir de leurs gonds les représentants associatifs présents à ses côtés, les uns fustigeant des interviews « orientées », les plus empathiques regrettant une « ignorance profonde sur le sujet » ou encore une « soumission à des directives venant ''de haut'' ».

Sous une chaleur étouffante, le comité sort du bureau pour prendre l'air et écouter la dernière intervention destinée à la presse, celle du président de l'UJFP (Union juive française pour la paix) Nord-Pas-de-Calais. Goutte d'eau qui a fait déborder le vase : « Venez, filmez ! », s'égosillent Mireille et ses collègues de l' AFPS (Association France Palestine Solidarité). Rien n'y fait. Les caméras, à quelques exceptions rares, ont déguerpi.